27 septembre 2010

Ceuta est-elle encore une ville franquiste ?

Ceuta est une ville qui a été profondément marquée par la période franquiste puisque c'est du Protectorat espagnol -et tout particulièrement de Ceuta et de Melilla-qu'est parti le soulèvement militaire à l'origine de la Guerre Civile espagnole : le discours franquiste, l'omniprésence des militaires africanistas(1) à la tête de la gestion de la ville pendant toutes ces années, ont créé l'image d'une Ceuta étroitement liée à la Dictature, d'une ville conservatrice en phase avec l'idéologie franquiste « national-catholique ».


À la fin de l'année 2007, le Congreso de los Diputados espagnol a approuvé une loi qui « reconnaît les droits et qui établit des mesures en faveur des victimes des persécutions et de la violence qui eurent lieu pendant la Guerre Civile et la Dictature ». C'est la loi sur la « Mémoire Historique »
Comment la ville de Ceuta allait-elle recevoir cette nouvelle loi ?




En fait « la récupération de la mémoire historique » avait déjà été initiée avant la loi de 2007, et c'est le mérite des historiens ceuties d'avoir levé le voile sur cette période agitée de l'Histoire d'Espagne. Grâce à leurs recherches et à leur obstination, la municipalité, à la fin des années 1990, avait donné le nom du dernier maire socialiste(2), fusillé en 1936, à une rue principale de Ceuta et en 2006 la statue de ce personnage politique local était placée devant l'entrée de la mairie.







Par ailleurs, la plupart des victimes du soulèvement franquiste furent enterrées dans une fosse commune du cimetière de Ceuta qui resta abandonnée pendant de nombreuses années. En 2006, la municipalité fit construire un monument sur cette fosse commune pour lui rendre un peu de dignité mais le monument restait encore anonyme. Ce fut encore l'obstination d'un de ces historiens natifs de Ceuta qui tira de l'anonymat les victimes : l'historien(3) retrouva le nom des 169 victimes enterrées dans la fosse commune puis insista auprès de la municipalité pour faire graver des plaques portant leur noms.





En honorant les victimes du soulèvement militaire et de la répression franquiste, la population et la municipalité de Ceuta ont définitivement tourné la page de leur passé franquiste.

(lire l'article dans son intégralité)


1- Militaires espagnols liés à l'aventure coloniale en Afrique.
2 -Antonio López Sánchez Prado.
3 -Francisco Sanchez Montoya.

16 mai 2010

Premières impressions...

Le "projet Ceuta" a enfin démarré....Initialement prévu pour les vacances de la Toussaint 2009, le séjour à Ceuta s'est déroulé en deux temps, au mois de février 2010 pour les quatre photographes du collectif "du grain à moudre" et à la fin du mois d'avril pour ma part.

Vue générale de Ceuta depuis le Mirador de San Antonio


Neuf ans après mon premier séjour en 2001, j'ai donc retrouvé cette ville espagnole située sur le continent africain : l'aspect extérieur de la ville a bien changé, surtout le centre ville qui ressemble encore davantage à n'importe quelle autre ville espagnole, avec rues piétonnes, aménagement d'une promenade en front de mer côté port et des commerces dont les enseignes sont bien connues sur la péninsule....alors que les commerces de type "bazar" ont disparu du centre ville.

La population est toujours aussi "bigarrée" : la communauté "musulmane", du fait d'une forte natalité et d'une immigration continue en provenance du Maroc voisin, atteindrait entre 40 et 50% de la population totale selon les sources interrogées... mais le "rêve" d'une convivencia exemplaire a-t-il été atteint ? Ce qui se voit d'emblée, c'est la différence entre un centre ville moderne et plutôt européen et des quartiers périphériques plus pauvres et habités essentiellement par les membres de la communauté "musulmane". C'est ce qu'illustrent les deux photos suivantes, d'abord avec une vue du centre ville puis une autre du quartier de Principe Alfonso, comme les deux facettes d'une même ville :












En revenant à Ceuta, je souhaitais m'interroger sur deux points précis : d'abord, quelle est, aujourd'hui, la réalité de cette convivencia tant mise en avant dans la présentation de la ville de Ceuta par les autorités de la Ciudad Autonoma ; ensuite je voulais savoir comment avait été reçue et appliquée la Ley de Memoria historica (Loi sur la mémoire historique) votée à la fin de l'année 2007 par les Cortes espagnoles. En effet, la ville de Ceuta (tout comme celle de Melilla d'ailleurs) a été profondément marquée d'abord par le coup d'état de Franco en 1936 -le soulèvement militaire est parti le 17 juillet 1936 de ce qui était alors le Protectorat espagnol sur le nord du Maroc, soit un jour avant celui du 18 juillet dans la péninsule- puis par la dictature franquiste proprement dite.
Ce sont ces deux points que je développerai dans deux prochains articles à partir des éléments recueillis lors de mes rencontres avec de nombreuses personnalites ceuties.