10 janvier 2019

Quel avenir pour le Sahara Occidental ?




      Méconnue en France, cette ancienne colonie espagnole reste aujourd'hui, aux yeux de l'ONU, un « territoire non autonome à décoloniser ». Or cette situation perdure depuis plus de 40 ans !
Revenons sur quelques moments de l'histoire de ce territoire pour comprendre la situation actuelle.

Le Maroc et le Sahara Espagnol à l'époque coloniale
C'est en 1884, à la Conférence de Berlin, que l'Espagne obtient la souveraineté de ce territoire de 200 000 km², ce qui lui permet d'installer des pêcheries le long de la côte atlantique considérant ce territoire comme base arrière des îles Canaries. Jusqu'en 1934 l'Espagne s'intéresse peu à ce territoire plutôt désertique, mais sous la pression de la France, puissance colonisatrice du Maroc, des frontières sont alors tracées et il devient le Sahara Espagnol.



À l'indépendance du Maroc en 1956, le Sahara reste sous souveraineté espagnole jusqu'en 1975. Cette année-là, suite aux Accords Tripartites de Madrid entre l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie, l'Espagne se retire du Sahara et le partage du territoire entre le Maroc et la Mauritanie est officialisé.
C'était sans compter avec la population sahraoui qui n'a pas été consultée mais qui, depuis 1973, revendique l'indépendance du territoire sous l'impulsion du Front Polisario (Front populaire de Libération  de Sakia el Hamra et Rio de Oro). A la fin de l'année 1975, le roi du Maroc, Hassan II, mobilise 300 000 marocains au cours de la « Marche Verte » pour une occupation « pacifique » du territoire car on sait alors que le Sahara Occidental possède de riches gisements de phosphate.
En 1976 le Polisario proclame la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) et lance une guerrilla contre les armées marocaine et mauritanienne. La population civile sahraouie part alors se réfugier à Tindouf de l'autre côté de la frontière algérienne. C'est là que l'administration de la RASD s'installe sous la protection de l'Algérie.
Le territoire occupé par les sahraouis s'étend à l'est,
 le long de la frontière avec la Mauritanie et l'Algérie.

Après le retrait de la Mauritanie, le Maroc occupe environ 80% du Sahara Occidental, et pour éviter les incursions des militants sahraouis contre ses intérêts, construit un mur de sable le long du territoire occupé par le Polisario.



Cette guerre va durer jusqu'en 1991, date à laquelle les deux parties vont signer un accord sous l'égide des Nations Unies. Le plan des Nations Unies prévoit un cessez-le-feu et l'organisation d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui : la MINURSO (mission de l'ONU pour le Sahara Occidental) est créée pour faire respecter l'accord.
Mais ce projet de référendum va très vite se heurter à la difficulté de définir le corps électoral, car à partir de cette date, le Maroc favorise l'installation de citoyens marocains au Sahara Occidental en vue de modifier ce corps électoral en sa faveur. Enfin, en 2004, Rabat propose un rattachement du Sahara au Maroc dans le cadre d'une large autonomie. La France et l'Espagne y sont favorables mais les Sahraouis s'y opposent farouchement et la situation reste bloquée jusqu'à aujourd'hui.

Le drapeau de la RASD flotte sur un poste frontière

Néanmoins à partir de 2014, le secrétaire général de l'ONU dénonce régulièrement la politique du « fait accompli » du Maroc qui cherche à assimiler le Sahara à son propre territoire tant pour l'exploitation illégale des richesses naturelles que pour l'administration du territoire, par exemple en réprimant violemment les manifestations en faveur de l'autodétermination sahraouie.
Dernièrement, au mois de décembre 2018, des négociations entre le Maroc et le Polisario ont repris à Genève car l'ONU voudrait régler définitivement la question du Sahara Occidental, 43 ans après le retrait de l'ancienne puissance coloniale.

8 avril 2018

Un monument emblématique de Melilla



Petite histoire d'un monument emblématique de Melilla.


Le monument aux "Héros de l'Espagne"
Le monument "tagué" en 2001 en signe
de protestation.



La ville Autonome de Melilla a enfin, au bout de 11 années d'aternoiements, décidé1 de transformer le monument en hommage au « Soulèvement National » (Levantamiento Nacional = coup d'état franquiste de 1936) pour le rendre conforme à la Loi sur la Mémoire Historique de 2007 qui stipule que tous les monuments exaltant le soulèvement franquiste et la dictature qui suivit jusqu'en 1975, date de la mort de Franco, devront être ôtés de l'espace public.
Construit en 1941, ce monument reprend toute la symbolique franquiste -le slogan Una, Grande, Libre ; le joug et les flèches, symbole du parti fasciste, la Falange ; l'aigle impérial au-dessus de la statue, ainsi que la date du 17 juillet 1936, date du soulèvement à Melilla- mais jusqu'à ce jour il est resté intact en plein cœur de la ville de Melilla malgré les protestations de citoyens melillenses qui réclamaient depuis longtemps sa destruction : j'avais été témoin en 2001 d'actions de protestation contre le monument en question.


Le café La Peña avant la Guerre Civile
Quand on étudie l'histoire de ce monument, on comprend mieux le combat de ces associations de citoyens de Melilla contre le monument. En effet, outre le fait qu'il exalte explicitement le coup d'état franquiste contre le gouvernement légal de la II°République, il faut savoir que sa localisation en plein centre de la ville n'est pas due au hasard : sur la place Héroes de España où se dresse aujourd'hui le monument, il y avait jusqu'en 1939 un café, le café La Peña , où se réunissaient régulièrement militants politiques de gauche et syndicalistes. 
Raser le bâtiment signifiait pour le nouveau pouvoir franquiste, effacer à tout jamais le souvenir de ces femmes et de ces hommes qui avaient voulu défendre à tout prix la jeune démocratie espagnole.


Photomontage avec l'ancien café et l'actuel monument. 

L'Assemblée Municipale de Melilla a donc décidé de « constitutionnaliser 2» le monument, c'est-à-dire de lui enlever toute la symbolique franquiste pour ne garder que la statue proprement dite en bronze et en faire un monument en hommage au soldat espagnol.


1El Pais du 20/11/2017. Décision de l'Assemblée de Melilla après avoir été condamnée en 2016 pour non-respect de la Loi sur la Mémoire Historique de 2007.
2 C'est à dire de mettre le monument en adéquation avec la Constitution de 1978.