En direct du poste frontière de El Tarajal à Ceuta...
Bousculades à la frontière |
Ces dernières années la pression migratoire s'est
amplifiée sur l'enclave espagnole de Ceuta, depuis que le passage
des réfugiés et immigrés s'est ralenti en Grèce. On assiste en même temps à un accroissement du trafic transfrontalier
entre Ceuta et la province marocaine de Tétouan. Ces 2 phénomènes
se conjuguent, en particulier sur le poste
frontière de El
Tarajal (Bab
Septa
pour les marocains). Le manque d'effectifs de la Police et de la
Guardia Civil est évident pour surveiller les 8 km du grillage de la
frontière le long desquels des groupes de migrants tentent de passer
en force, mais aussi pour gérer le passage des quelques 10 000
porteadores
et 15 000 véhicules quotidiens au poste frontière ; en tout 30
000 personnes passent chaque jour. Le manque d'infrastructures à ce
passage de El
Tarajal
a fait que la frontière, tout au long de l'année 2017, a été
complètement engorgée.
Des porteadoras et leurs ballots de marchandises |
En février 2017, un nouveau passage appelé
Tarajal II, a été enfin ouvert spécialement pour les piétons mais
il a eu comme effet d'attirer encore plus de monde car il débouche
directement sur le Polygone où viennent s'approvisionner les
porteadores1.
Des
bousculades inévitables se sont produites qui ont causé la mort de
deux femmes au mois d'août. Les autorités, tant espagnoles que
marocaines, ont été obligées de fermer à plusieurs reprises ce
passage pour des raisons de sécurité. Cet afflux de personnes
provoque un véritable problème humanitaire que des ONG dénoncent
en Espagne.
Le
modèle économique de Ceuta est-il dépassé ?
Dès
les années 2000, on a envisagé une reconversion de l'économie
ceuti
en vue de l'Accord Euro-méditerranéen avec le Maroc qui devait
supprimer les barrières douanières entre l'U. E. et le Maroc en
2012, mais en 2017 cet accord n'est toujours pas entré en
vigueur...On a cependant vu ce commerce
atypique
(euphémisme espagnol pour parler de la contrebande) se transformer
pour une plus grande rentabilité : dans les années 2000, les
porteadores
entraient
à Ceuta pour vendre des légumes ou du poisson et repartaient
chargés de produits de première nécessité qu'ils revendaient au
Maroc. Aujourd'hui, ils n'entrent plus dans la ville de Ceuta et se
contentent d'aller directement au Polygone où on les charge de
ballots déjà préparés pour un montant pouvant varier de 50 à 130
€ suivant la demande. Grâce à ces femmes et à ces hommes, les
marchandises qui arrivent dans le port de Ceuta se transforment
directement en exportations vers le Maroc, sans taxes
douanières, puisqu'il n'y a pas de douane marocaine à El
Tarajal.
Sur la plage de El Tarajal, les porteadoras attendent leur tour pour passer la frontière |
Selon
les autorités espagnoles, ce sont près de 45 000 personnes qui
vivent de ce « commerce » dans la région de Tétouan. À
Castillejos (Fnideq
pour les marocains), près de la frontière, la population est passée
de 34 000 en 1994 à 80 000 en 2017 pour profiter de cette opportunité de travail.
Tout
le monde en est bien conscient : trouver une alternative pour
ces milliers de marocains pauvres, impliquerait de développer
l'économie de cette province particulièrement « déprimée ».
Comment
est géré l'afflux d'immigrés sur la frontière de Ceuta ?
un groupe d'immigrés subsahariens tente de passer la frontière de Ceuta |
L'Espagne
et le Maroc coopèrent étroitement pour faire face à ce problème
mais plutôt que d'une recherche de solution, il s'agit pour les 2
pays de fermer plus hermétiquement la frontière et parfois ont lieu
des expulsions immédiates qui sont dénoncées comme illégales par
les ONG. En échange de subventions, l'U.E. ne propose que des
solutions assez égoïstes : fixer les migrants dans des camps
sur les côtes sud de la Méditerranée (Turquie, Libye, Maroc) pour
ne pas avoir à gérer cet afflux de personnes sur son territoire.
1On
appelle ainsi les porteurs (ou porteuses) marocains qui viennent
chercher chaque jour d'énormes ballots de marchandises pour les
revendre de l'autre côté de la frontière.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire