16 avril 2012

Ley de Memoria Historica

Ceuta et Melilla, villes jumelles ?

Même si on a coutume de citer ensemble les deux villes espagnoles, il semble bien qu’elles se différencient sur plus d’un point comme aiment à le faire remarquer, ceutíes et melillenses.

Mon récent séjour à Melilla vient de me faire découvrir une nouvelle différence, celle de leur réaction, diamétralement opposée, concernant la Loi de Mémoire Historique.

Selon cette Loi approuvée en décembre 2007, les collectivités locales espagnoles doivent se charger d’effacer des espaces publics «tous les écussons, insignes ou plaques commémoratives qui exaltent la rébellion militaire, la Guerre Civile ou la répression de la dictature»


Le cas de Ceuta que j’avais déjà abordé dans un article précédent est assez intéressant : d’une part la municipalité a réhabilité le dernier maire socialiste fusillé en 1936, Antonio López Sánchez Prado, et fait construire un monument sur la fosse commune des victimes de la répression franquiste ;




d’autre part, les ceuties ont entamé une réflexion sur le devenir des monuments à la gloire de la rébellion et de la dictature franquiste qui restent encore debout quoique dans un état de délabrement avancé comme le monument du «Llano Amarillo» : il s’agirait en fait de les rénover dans un esprit « pédagogique » pour que les jeunes générations sachent ce que représentent ces monuments en les accompagnant, par exemple, d’explications historiques.




Comme Ceuta, Melilla fut aussi le berceau de la rébellion militaire du 17 juillet 1936 qui devait initier la Guerre Civile. Pendant longtemps, la ville de Melilla a gardé une image liée aux militaires, à l’aventure coloniale espagnole au Maroc et bien sûr à la dictature qui dura jusqu’en 1975.


Rien d’étonnant donc à ce que les références à cette période de son histoire soient fréquentes : ainsi, situé au pied de la citadelle qui fut à l’origine de la ville, se dresse une statue de Francisco Franco Bahamonde en uniforme de commandant de la Légion étrangère.




Plus au centre ville, sur l’avenida Juan Carlos I°, se dresse également un monument qui «exalte la dictature» en portant bien haut son slogan « Una, Grande, Libre ».

à ma question sur l’application de la Loi sur la Mémoire Historique, il m’a été répondu que la Asamblea Municipal avait décidé de conserver la statue de Franco car en 1921 c’était lui qui, à la tête de la Légion, avait «sauvé» la ville de l’attaque d’Abd-el Krim après le désastre d’Anual.

Si cet argument peut se justifier car, en effet, Franco a été un personnage historique de l’histoire de Melilla, il n’en va pas de même pour le monument à la gloire du Movimiento et de la dictature.

En 2001, j’avais vu ce même monument couvert de peinture violette par des militants antifranquistes qui souhaitaient protester contre sa présence, 25 ans après le retour de la démocratie en Espagne…

Aujourd’hui, 5 ans après la promulgation de la Loi sur la Mémoire Historique et 37 ans après la fin de la dictature, il serait temps d’effacer ce vestige d’une des pages les plus sombres de l’histoire de l’Espagne !

Melilla 2012

Voyage « éclair » à Melilla

Invité par la Consejería de Cultura de la Ville Autonome de Melilla à participer aux 7° Jornadas de Historia [ le thème en était cette année «La visión de Melilla en los Autores Europeos»], je me suis rendu dans cette ville espagnole d’Afrique entre le 21 et le 23 mars.




La ville a bien changé depuis ma première visite en 2001 et le centre ville a été embelli, en particulier la partie que les melillenses appellent «Melilla la Vieja» c’est-à-dire la citadelle qui fut à l’origine de la ville elle-même.




La Plaza de España, le cœur de la ville, ainsi que le parc Hernandez qui débouche sur cette place, ont été rénovés et fleuris ;





la Plaza de las Culturas a remplacé une ancienne gare routière…






Toujours égale à elle-même, Melilla est un curieux mélange d’Espagne et d’Afrique.


Par ailleurs, au cours de mes rencontres avec différents acteurs culturels de la ville, j’ai pu vérifier que le slogan «Ciudad de las cuatro culturas» était mis en pratique au moins au niveau culturel puisque le musée archéologique rénové présente maintenant l’histoire et la culture Juive et Amazigh qui sont deux composantes essentielles de cette ville ; l’équipe de jeunes archéologues attachés à ce musée a également entrepris un programme de conservation du patrimoine berbère dans la partie du Rif marocain proche de Melilla.

Quand on connaît l’attitude du pouvoir marocain qui a toujours nié l’existence d’une culture amazigh, on mesure mieux l’impact que peut avoir la politique culturelle de la Ville Autonome pour la population berbère du Rif !